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Le parti du peuple en marche ? - par Groupe-Gard-Vaucluse-de-la-Fédération-anarchiste le 23/05/2013 @ 18:54

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Publié dans le Monde libertaire du 16 mai 2013

 

Analyses

Le parti du peuple en marche ?

 

Voici plusieurs mois déjà que le Front de gauche, emmené par le tribun Jean Luc Mélenchon, occupe une partie du devant de la scène politique. La manifestation parisienne du 5 mai a été l'occasion d'une nouvelle démonstration. Revenons sur cette force que l'on dit montante.

 

Nous savons que périodiquement, la gauche française recherche un nouveau leader plus ou moins charismatique pour faire la nique au PS. Tour à tour, A. Laguiller (LO) puis O. Besancenot du NPA furent ces nouveaux visages médiatiques; plus ou moins soumis à un ordre électoral et communicationnel, ils incarnaient -pour un temps- l'espoir d'un vent de révolution. C'est pourtant des rangs du PS que vient le nouveau leader d'un électorat en mal de perspectives politiques. La première réussite de JL Mélenchon fut d'agréger diverses organisations au sein d'un front de gauche, dont le PCF. Ce front de gauche, très inspiré par des expériences similaires en Europe (Syriza en Grèce, Die Linke en Allemagne...), réunit donc des associations politiques et organisations parfois sur le déclin, des réseaux et des groupements nés de récentes scissions, en mal d'ancrage et de moyens. Aujourd'hui, certains de ces partenaires s'efforcent même de manoeuvrer pour désserrer l'étau constitué par le PCF et le Parti de gauche et tenter d'exister dans cette cohabitation.

 

Des mots, des idées

 

Sur le plan politique, le FdG s'inspire beaucoup des mouvements sociaux mondiaux; dernier exemple en date, vouloir calquer les modèles de mobilisations espagnoles des "marées" pour la France. Evidemment, les charismatiques Evo Morales et Chavez sont des figures de proue de cette rénovation d'une certaine gauche française. S'adressant aux déclassés, à partir d'une inspiration qui fait appel à Robespierre, Jaurès ou Guevara, c'est l'image du travailleur qui est surtout convoquée pour galvaniser les nostalgiques d'une gauche puissante. Dans les meetings, les chants entonnés, de la Marseillaise à l'Internationale, balaient un spectre qui invoquent ainsi l'esprit de la patrie républicaine en danger ou celui de 1917. Les références à la "nation", à Marianne, à"la France belle et rebelle", à la "patrie républicaine", à l'exemplarité universelle de ce mouvement qui se met en marche... mêlent ainsi des valeurs et des conceptions qui peuvent toucher largement un électorat nostalgique d'une France jacobine des Droits de l'homme, des mythes d'un peuple émancipateur, et qui rêve encore au plein emploi.

 

On ne peut pas nier que contester la prédominance du FN sur son propre terrain est ambitieux, mais on se demande où veut en venir Mélenchon quand il explique qu'il faut défendre les travailleurs menacés comme s'ils étaient les membres d'une même famille, lorsqu'il réaffirme toujours et encore qu'avec lui, c'est le "peuple" qui est en marche, et qu'il prend pour cible les chinois et autres qataris -investisseurs achetant le patrimoine français- . Ce tribun affirmait récemment que l'usage des mots choisis pour ses déclarations étaient très réfléchis avec son équipe de campagne. Dont acte.

 

Il n'y a aucune mauvaise foi àécrire ici que si le FdG rejette des institutions européennes et les fonctionnements de la Ve République, il assume déjà le fait d'avoir des députés et sénateurs à Paris comme à Strasbourg. Quant au Parti socialiste, la manoeuvre étant de rééquilibrer le rapport de force, le secrétaire du FdG, François Delapierre, n'écarte pas de participer à un gouvernement avec des socialistes (entendu sur France Info le 6 mai). Quant aux incantatoires appels à"l'insurrection citoyenne", que penser quand Mélenchon déclare (France Inter le 6 mai): "Je suis un démocrate, je crois aux élections, je crois à l'articulation entre mouvement social et mouvement électoral, tous les gens normaux sont comme çà". Une insurrection qui finirait donc dans les urnes ?

 

Cette conception toute partidaire de la contestation sociale qui doit trouver son débouché dans les urnes n'est pas bien originale; elle est surtout un bel accroc à la notion d'indépendance des mouvements sociaux, chère aux libertaires, entre autres. La vision de banderoles de syndicats (CGT) lors de la manifestation du 5 mai est une belle démonstration d'une conception décalée de l'indépendance syndicale. Toute l'Europe des nouvelles contestations sociales réfléchit au dépassement du capitalisme et de la dépendance au vieux système des partis, le FdG, lui, cherche à canaliser électoralement les colères légitimes de ceux qui souffrent du capitalisme. 

 

Une stratégie en trompe-l'oeil

 

Dès lors, la journée du 5 mai 2013 s'est inscrite tout naturellement dans la stratégie de conquête d'un pouvoir confisqué depuis des décennies par le PS. Celui-ci avait mis au ban des pestiférés le Parti Communiste d'alors, en lui volant électoralement les millions de sympathisant.e.s qui votaient pour ses candidat.e.s. Mélenchon essaye donc de faire retrouver le lustre d'antan d'une organisation dans laquelle les marxistes-léninistes sont toujours influents. Et qui ne voient pas d'un bon oeil le second rôle que veut faire jouer au PCF le leader du Parti de Gauche (PG). Mais les différentes étapes imposées par le PG vont dans leur sens. En effet, les prolongements proposés du 18 mai avec la Marche des femmes contre l'austérité et le week-end des 1er et 2 juin avec des manifestations régionales sont dans la même veine : occuper la rue, sur des revendications économiques, pour permettre aux colères de s'exprimer dans un cadre prédéfini. N'oublions pas que l'année prochaine, il y aura les élections municipales et les européennes. Dès lors, la revendication par le FdG d'une 6ème République va paraître bien futile au regard des futures élections qui vont déterminer les rapports de force à l'intérieur de la gauche. Le PS ne s'y trompe pas. La situation économique ne joue pas en sa faveur et ses secrétaires fédéraux sont déjà dans une minimisation des résultats à venir. 

Mais revenons à cette 6ème République qui serait celle qui redonnerait « le pouvoir au peuple ». La date du 5 mai n’a pas été prise au hasard. Elle correspond historiquement à l’ouverture des États généraux en 1789, qui furent les deniers de l’Ancien régime et préfigurent la Révolution française quelques mois plus tard, puisque face à la grogne de la bourgeoisie, une Assemblée constituante va être mise en place et va se substituer à la monarchie.

La Constituante permet à une société de définir les différents organes politique, judiciaire…

Durant les élections présidentielles, le Front de gauche appelait déjà, s’il venait au Pouvoir, à changer la Constitution de 58. Les arguments tenus par les responsables du FdG sur la nécessaire évolution de cette Constitution, du fait des changements notoires à la fois dans nos vies quotidiennes, dans l‘évolution des mœurs, du changement des catégories socio-professionnelles, paraissent recevables au regard de la population que nous sommes devenue en 50 ans. Mais peut-on croire réellement qu’en changeant les règles du jeu démocratique de l’État, on changera le fait que certain.es sont attiré.e.s par le Pouvoir ?  Et qu’est-ce qui réellement va changer dans les modes de décision ?

N’oublions pas que l’État met tout en place pour préserver sa reproduction. Le déterminisme social fait que les classes dirigeantes sont pour la plupart issues d’écoles d’élites. Rares sont ceux et celles qui ont eu une ascension sociale et accepté.e.s comme tel.le.s par leurs pairs. Dès lors, en quoi une 6èmeRépublique serait-elle plus avenante pour les libertaires ? Pourtant, certaines propositions sont alléchantes : le référendum révocatoire par exemple, qui semble être proche de ce que nous appelons la révocabilité des élu.e.s. Mais le continuum est là. À aucun moment, le capitalisme n’est remis en cause. Ce n’est que le monde de la finance qui est montré du doigt !

Or l’affaire Cahuzac a permis de montrer cette connivence entre les oligarchies économique et politique. Celle qui se gave grâce aux intérêts de la dette de l’État, et par-là même dicte ses conditions au niveau économique et social à toute la société française, et européenne.

Pourtant cette notion de République, les anarchistes peuvent la faire leur. Le « res publica », la chose publique, nous l’avons toujours mise en avant dans nos expériences autogestionnaires.

Ce que nous ne pouvons pas prendre à notre compte, c’est l’État. Celui qui crée cette oligarchie. Qui nous dit que ceux qui veulent la disparition de l’ancienne ne vont pas en créer une nouvelle ? Cette élite partidaire que l’on retrouve au sein du Parti de Gauche, du Front de gauche, semble être dans cette logique.

Ce n’est pas d’un ravalement de façade dont nous avons besoin, c’est d’une véritable démocratie directe dans les entreprises et les quartiers, au niveau local, puis régional et national. Mais il nous appartient de la construire dans les faits.

 

Daniel (groupe Gard Vaucluse) et Jérôme (Liaison Villeurbanne)

 


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